Un lundi matin, 7h05, le réveil
sonne.
Un oeil s'ouvre, puis l'autre.
Dans la pièce il fait noir.
Un bruit sourd se fait entendre
dans la pièce en dessous.
Le chat impatient a sauté la
barrière en entendant le réveil.
Je me lève doucement, ouvre les
volets, uns à uns.
Dehors il fait frais, le soleil ne
pointe pas le bout de son nez et le jardin brille d'humidité.
Je regarde les arbres, les
buissons, la pelouse, les fleurs.
C'est mon jardin.
Tout ça.... est à moi.
Ces arbres, ces buissons qui
grandissent et que le soleil et la pluie embellissent chaque année. C'est à
moi....
Drôle de conscience soudaine.
Un sourire sous le ciel de plomb,
puis je m'active, les chats ont faim.
Je remplis la bouilloire, je
l'allume, je descends voir les chats, dire bonjour aux chiens.
Ne vous impatientez pas, Doudou
arrive pour vous donner la pâté et vous faire la première sortie du matin.
Chacun sa tâche, chacun sa
responsabilité.
Il faut aller travailler, je mets
quoi ce matin?
Les chats se frottent contre mes
jambes nues et miaulent.
Je remplis les gamelles, je prépare
celles des chiens.
Quand enfin l'homme se lève et va
voir les chiens, le poilu a encore fait pipi dans la maison.
Mais aujourd’hui, plutôt que le
lino ou les escaliers en bois auxquels il n'a plus accès grâce à la barrière,
il a choisi de soulager sa vessie sur le coussin de la copine de dortoir, celle
en pension pour quelques jours parce que sa maîtresse est en vacances.
Doudou nettoie, je décide de jeter
le coussin à la poubelle…
Ras le bol des pipis, vomis du gros
blanc qui anéantissent chaque tapis ou coussin que je fabrique pour le confort
de la bête.
Demain il dormira sur le lino, fini
le confort de Kumo !
L’heure tourne, je file sous la
douche : c’est décidé, il fait moche, je ressors les jeans et les bottes.
Petit dej avalé trop vite, une
humeur triste plane sur la maison.
Que se passe t’il ?
Je n’en sais rien, je ne comprends
rien, mais le temps nous presse, il faut aller travailler, le pain quotidien ne
se gagne pas à rien faire.
Doudou emporte les chiens et le
linge souillé par le pipi du matin.
Les chats reviennent et demandent
un peu de rab : la journée va être longue en attendant mon retour.
Un peu de paperasse à finir depuis
des semaines, quelques papiers dans une enveloppe, un coup de fil à 8h30 du
matin, des informations essentielles récupérées : l’enveloppe se ferme et
je dépose un timbre afin de jeter la lettre dans une grosse boite jaune dès que
possible.
Bientôt 9h00, il faut partir.
Pas envie de conduire.
Un câlin aux chats et me voilà sur le
chemin du tram, le chemin du travail.
10h, j’arrive.
L’enveloppe part dans la boite
jaune et moi je rentre, dans la grande boite juste en face.
Arrêt devant la machine à café :
le petit déjeuner est déjà trop loin, me faut un thé, un biscuit.
10h05, assise à mon poste de
travail, je revis l’agression subie 1 minute plus tôt par cette collègue
fraîchement rentrée de vacances.
Une étrange colère monte en moi.
Je me dis que je la hais et que son
comportement est inacceptable.
Avoir 50 ans et rentrer de 4 semaines
de vacances lui autorise t’il de me parler comme ça alors que je ne suis
responsable de rien ?
Sans excuses de sa part, jamais
plus je ne lui adresserai la parole.
Je suis colère et ça ne s’arrête
pas.
Le thé est bu, je plonge dans les
dossiers.
Le téléphone sonne.
Ma sœur m’appelle.
Qu’y a t’il ? Tout va
bien ?
Oh merci de t’occuper du chat de
maman aujourd’hui, je voulais justement te le demander.
Ah… j’étais de mauvaise humeur
hier ? J’ai été désagréable avec tes invités ?
Dans ma tête : WTF ? Je
suis au bureau et je me fais remonter les bretelles ? J’étais
désagréable ? C’est rigolo, j’ai dit hier à Doudou que je trouvais la sœur
un peu sur les nerfs… mais bon, je comprends, 20 invités adultes et 10 enfants
à gérer, je comprends.
A voix haute, enfin, pas trop
haute, en essayant de ne pas gêner ma collègue qui part en vacances dans deux
jours et stresse depuis deux semaines sur ces dossiers complexes qui lui
demandent chacun deux jours de travail avant envoie du précieux : le
courrier de 8 pages !
Bref, à voix haute : Euh,
comment ça désagréable ? Je n’ai parlé à personne presque ?
Ah, je ne me suis pas intégrée, je
n’ai pas trop rigolé avec les gens et puis j’ai agressé les gens et t’ai donné
des ordres ?
Hein ???? (WTF ?????)
L’histoire des bouteilles en verre,
du tri à faire avec les déchets….
Heu, oui, ça coûte rien et pour
info, lorsque j’ai informé les gens qu’il y avait une poubelle spéciale pour le
verre, c’est moi qui me suis fait charriée par tes invités…
Je ne comprends pas la discussion,
je regarde mon bureau, mes dossiers, ma collègue qui s’acharne sur son dossier.
Je suis gênée, je ne comprends pas
l’intérêt de cette conversation, là, maintenant, alors que je suis au bureau.
Gentiment je fais remarquer que je
dois bosser…
Non !
Ah…
Alors j’imagine la situation inverse, je l’appelle alors qu’elle
est sur ton lieu de travail et que je lui fais des remontrances… en fait non,
je ne me vois pas faire ça.
Cette conversation devrait avoir
lieu de vive voix, ailleurs.
Je suis dépassée, fatiguée et dans
l’impossibilité de m’expliquer, prise au piège au bout d’un fil sur un lieu où
je ne peux pas m’exprimer.
Puis la conversation prend fin.
Me revoilà perplexe.
Deux minutes passent comme un
silence d’ange à midi moins vingt.
J’attrape le dossier suivant, celui
que j’allais enfin attaquer après des semaines à le repousser, et j’oublie la
sœur, la collègue, le chien, le monde… et je plonge dans l’histoire malheureuse
d’un homme et de sa voiture, d’un jeune et de son scooter et de leur violente
rencontre qui crée des dommages et des préjudices et ces assureurs qui se
déchirent sur la responsabilité de l’un ou de l’autre, de l’obligation de garantie
que je dois à l’un sans contester le défaut d’assurance de l’autre.
Le quotidien du travail reprend,
avec les dossiers, la pause déjeuner, la pause café de 15h car le sommeil pèse
et qu’il devient impossible de travailler.
L’heure tourne, la journée n’est
pas finie et je me demande qui encore aujourd’hui va trouver à me parler pour
me faire des reproches.
Lundi matin….
WTF : lundi matin
quoi ?!!!!
Un début de semaine, après un week
end trop court…
Je ferme les écoutilles et plonge dans
le travail au bureau et bientôt dans mon livre dans le train.
Je ne suis là pour personne.
Tout ce que je veux, tout ce que je
demande : c’est un peu de temps tranquille avec mon Doudou.
Envie de cocooning, juste lui et
moi, mais le lundi matin, il faut éteindre le réveil, se lever, aller
travailler !
Le lundi matin…. Le lundi toute la
journée !
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