Saturday, November 10, 2012

journal de tueurs #2 Jean Luc

2- Jean Luc 


La mort c'est mon métier. Je suis tueur professionnel.
J'ai toujours aimé me présenter comme ça.
La vérité est moins glamour.
Je ne tue pas des gangsters, ni le mari infidèle des ménagères.
Mon meurtre est toujours légitime et je ne parle pas de légitime défense.
Je tue ceux qui doivent mourir, je tue des plus petits que moi, des faibles, élevés en batterie pour finir dans mon abattoir...
Je suis un tueur professionnel, un tueur de poulets, de canards, de veaux, de moutons et de cochons.

Je tue ces animaux qui vivent une vie morbide et viennent nourrir les hommes dans des barquettes au supermarché.
Enfin, ça c'est que je faisais jusqu'à aujourd'hui.
Car aujourd'hui il n'y a plus aucune bête qui n'arrive dans mon abattoir et les machines s'arrêtent et ma machine s'arrête...
Je ne sais rien faire d'autre de mes mains, de ma tête, de ma vie. Je n'ai jamais rien appris d'autre et si je ne suis plus utile dans cet abattoir alors, comme les machines que je dois débrancher, je voudrais couper le courant qui m'alimente, je voudrais me débrancher.
Mais je ne suis pas une machine.
Et je ne suis pas seul.
Je n'ai pas d'enfant.
Je n'ai pas de femme non plus.
Ça fait plus de vingt ans que je fais ce métier, trente ans que je prends soin de ma vieille mère qui chaque année devient plus vieille... et chaque année me répète combien elle a de plus en plus besoin de moi.
Alors maintenant, parce que tout change, qu'un monde nouveau commence, un monde sans abattoir à faire tourner, je deviens ses yeux, ses oreilles, ses mains et ses pieds.
Elle reste celle qui parle pour moi car de tout ce qui vieilli, il n'y a que sa voix qui ne prend pas une ride.
Sa voix forte et dure, sa voix qui décide tout pour moi. Sa voix que je voudrais éteindre quand elle commence à geindre au milieu de la nuit, nuit où seul dans mon lit je prends ce qu'aucune femme ne m'a jamais donné.
Je suis un tueur professionnel.
Et si le monde change, peut être est-il temps que mes victimes changent aussi.

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