2- Jean Luc
La mort
c'est mon métier. Je suis tueur professionnel.
J'ai
toujours aimé me présenter comme ça.
La vérité
est moins glamour.
Je ne tue
pas des gangsters, ni le mari infidèle des ménagères.
Mon meurtre
est toujours légitime et je ne parle pas de légitime défense.
Je tue ceux
qui doivent mourir, je tue des plus petits que moi, des faibles, élevés en
batterie pour finir dans mon abattoir...
Je suis un
tueur professionnel, un tueur de poulets, de canards, de veaux, de moutons et
de cochons.
Je tue ces
animaux qui vivent une vie morbide et viennent nourrir les hommes dans des
barquettes au supermarché.
Enfin, ça
c'est que je faisais jusqu'à aujourd'hui.
Car
aujourd'hui il n'y a plus aucune bête qui n'arrive dans mon abattoir et les
machines s'arrêtent et ma machine s'arrête...
Je ne sais
rien faire d'autre de mes mains, de ma tête, de ma vie. Je n'ai jamais rien
appris d'autre et si je ne suis plus utile dans cet abattoir alors, comme les
machines que je dois débrancher, je voudrais couper le courant qui m'alimente,
je voudrais me débrancher.
Mais je ne
suis pas une machine.
Et je ne
suis pas seul.
Je n'ai pas
d'enfant.
Je n'ai pas
de femme non plus.
Ça fait plus
de vingt ans que je fais ce métier, trente ans que je prends soin de ma vieille
mère qui chaque année devient plus vieille... et chaque année me répète combien
elle a de plus en plus besoin de moi.
Alors
maintenant, parce que tout change, qu'un monde nouveau commence, un monde sans
abattoir à faire tourner, je deviens ses yeux, ses oreilles, ses mains et ses
pieds.
Elle reste
celle qui parle pour moi car de tout ce qui vieilli, il n'y a que sa voix qui
ne prend pas une ride.
Sa voix
forte et dure, sa voix qui décide tout pour moi. Sa voix que je voudrais
éteindre quand elle commence à geindre au milieu de la nuit, nuit où seul dans
mon lit je prends ce qu'aucune femme ne m'a jamais donné.
Je suis un
tueur professionnel.
Et si le
monde change, peut être est-il temps que mes victimes changent aussi.
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