Tuesday, July 17, 2012

Un don pour une vie

L'olivier est un arbre au tronc noueux, au bois dur et dense. C'est un arbre qui peut vivre plusieurs siècles.

Mais Olivier, c'est un homme.

Il a 45 ans et son corps est fatigué, usé; et il se traîne comme un arrière grand père de 95 ans.

Olivier est un mari. Il a une femme, mon amie, elle est jolie, douce, patiente. Elle a 40 ans. Elle est plus forte que bien des montagnes.

Elle vit avec son homme de 45 ans qui ne veut plus rien faire, plus aller nulle part, ne plus voir personne.
Il ne veut pas qu'on le voit dans cet état.

Pourtant ses amis lui manquent. Sortir, bouger, travailler, vivre, tout ça lui manque.
Et il devient dur, féroce, grincheux.

En quelque sorte il se meurt.

Se sentir presque mourant à 45 ans, c'est douloureux.

Olivier perd son cœur.

Pas le coeur de la tète, le coeur dans sa poitrine.

Ce petit cœur qu'il a depuis seulement 20 ans se meurt.

Et mourant, il tue petit à petit d'autres organes.

L'an dernier il a perdu la moitié d'un de ses petits reins.


Ses reins sont petits parce qu'ils ne fonctionnent plus très bien.


Olivier est greffé cardiaque depuis 20 ans.
Et ce cœur qui lui a sauvé la vie il y a 20 ans, aujourd'hui le tue.

Une greffe ne dure pas toute une vie.

Et aujourd'hui, pour vivre encore, sortir, travailler, sourire, aimer sa femme, lui donner cet enfant qu'elle ne peut pas avoir, Olivier à besoin d'un nouveau coeur.

Mais avant d'avoir droit à un nouveau coeur, il lui faut le droit d'être sur la liste.

La liste d'attente.
La liste d'attente pour un cœur et pour un rein.

Car l'an dernier, les traitements pour garder son cœur sont presque venus à bout de l'un de ses reins.
Une masse blanche sur un rein, une grosse masse sur un petit rein qui ne fonctionne pas bien. Un cancer sur ce rein.
Les médecins disent qu'ils ont tout enlevé.
Et depuis un an, on attend qu'il aille mieux.

Mais son état ne fait qu'empirer.

J'ai plusieurs fois cru qu'on le perdait pour toujours. J'ai plusieurs fois tremblé pour elle, pour lui.

Je pense à elle, je pense à lui.
Je pense à leur lutte, leur quotidien et je voudrai, parce que je les aime, qu'enfin tout aille bien dans leur maison.

Depuis six mois on sait que le coeur d'Olivier doit être changé.
Comme une pile usagée, ses forces faiblissent, la machine ralentit, jusqu'au moment irréversible où la pile rend l'âme.
Il faudra lui enlever son cœur et lui en donner un autre.

Mais avant ça, il faut qu'il aille très mal, encore plus mal.

Pour monter dans la liste d'attente. Pour avoir un biper et être obligé de vivre à moins d'une heure de l'hopital en attendant.... en attendant l'accident cruel qui enlèvera la vie à un homme, une femme, un enfant, mais qui permettra de sauver un autre homme, une autre famille.

Mais pour l'instant, il descend doucement aux enfers en attendant, je l'espère, sa difficile remontée au jardin d'Eden. Et sa femme l'accompagne, le supporte, le porte.

Olivier ne peut plus travailler, partir en vacances, marcher.
Olivier dort, ne dort plus, avale un gateau, n'a plus faim, puis il dort, déjà fatigué par cet effort.

Comment rester digne, rester fort quand vous ne pouvez plus rien faire?
Comment tenir le coup quand la vie vous frappe comme la foudre et que vous semblez être le seul paratonnerre qu'on ait placé sur le chemin des orages du quartier?

Mais mon amie tient le choc, et son mari aussi... pour l'instant.

Et je ne sais rien de ce qui l'attend réellement, et je ne sais rien de ce que nous réserve l'avenir, mais je sais que si je dois mourrir aujourd'hui et que mon corps peut sauver des vies, je veux qu'on se serve.

Un corps sans vie n'est plus qu'une charogne qui pourrit.

Alors si avant de pourrir, ce corps peut encore servir, servez vous, donnez mon coeur, ma peau, mes os et le reste emballez le et jetez le au feu pour que les cendres de mon corps puissent nourrir des plantes.

Si on a une âme, elle sera détachée de mon corps par la mort et ce que l'on fera à ma carcasse morte ne pourra jamais toucher mon âme.

Alors, parce qu'Olivier est le mari de mon amie, mais parce qu'il est aussi mon ami, j'écris ces quelques mots pour que vous sachiez que concrètement, un don peut sauver des vies. La vies des gens autours de vous, la vie des gens autours de ceux que vous aimez.

Donnez votre sang, donnez des plaquettes et faites savoir que vous êtez pret à tout donner quand la mort vous enlèvera trop tôt à la vie.

Parce que ceux qui reçoivent nos dons ont vraiment une nouvelle vie après et que je voudrais que mon amie et Olivier puissent encore se donner la main et s'aimer dans quelques années.







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